La Dépêche du Midi
Publié le 31/05/2024 à 06:30
Six individus de tout âge, genre et origine étaient jugés mardi à Foix pour l’incendie de plusieurs radars à travers la campagne ariégeoise, une action coup de poing pour manifester leur frustration face à la sourde oreille de l’État devant les revendications des Gilets jaunes.
C’est une bande bien bigarrée, pour un dossier bien rempli, qui se présente à la barre du tribunal de Foix ce mardi 28 mai. 8 accusés, dont 6 présents, hommes et femmes de tout âge et venus de tout le département, sont jugés ce jour-là pour des destructions ou des tentatives de destruction de radars fixes à Saint-Paul-de-Jarrat, Saint-Quentin-la-Tour, Mirepoix et Le Vernet en 2018, au plus fort du mouvement des Gilets jaunes.
C’est sur ce dernier radar que les premiers de la petite bande sont repérés, après que les gendarmes ont établi une surveillance suite aux dégradations survenues sur plusieurs radars plus tôt dans la soirée. Petit à petit, les forces de l’ordre remontent le flux de publications sur les réseaux sociaux pour identifier tous les participants. L’idée aurait émergé d’une réunion informelle de Gilets jaunes, où chacun voulait exprimer sa frustration face à la sourde oreille de l’État : "On avait l’impression de ne pas être entendus", expliquera l’un d’entre eux à la barre. Alors, chacun rejoint un petit groupe de trois personnes par radar, pour y empiler des pneus et y mettre le feu.
Au final, les équipements seront partiellement endommagés, seul le radar de Crampagna étant complètement détruit, et les Gilets jaunes se retrouveront quand même devant la justice. Dans la bouche de la présidente Sun-Yung Lazare, la question revient souvent : "Mais franchement, à quoi ça vous servait d’incendier ces radars ?" Chacun tente de répondre comme il peut, allant du "Je ne sais pas" à "On voulait être plus vu et entendu". "Ce sont quand même nos impôts, vos impôts, qui financent ces équipements", abonde la magistrate. "J’avais ce sentiment d’être presque insulté, quand on voyait partout à la télé et sur les réseaux sociaux la violence quotidienne de la police envers les gens. On voulait dire qu’on était là aussi", avance un autre.
Un débat philosophique sur la responsabilité de chacun
Peu à peu, l’audience s’enlise sur des détails sur qui ou qui a commis tel ou tel fait, certains niant ou minimisant leur implication quand d’autres assument directement leur geste. Cela n’empêche pas le substitut du procureur, Benoît de Saintignon, d’appeler la cour à ne pas "diluer la responsabilité de chacun", bien qu’il reconnaisse un environnement particulier : "Même si c’est le groupe qui a décidé, chacun est redevable de ses actions personnelles", appuie-t-il. S’attachant à démêler les charges reposant sur chacun, le représentant du ministère public requiert des peines allant de 9 à 12 mois de sursis simple ou probatoire.
Pendant près d’une heure, les avocats de la défense au nombre de cinq, s’attachent à relier le geste de leurs clients à un contexte politique et social. "C’est presque une question philosophique, jusqu’où peut-on aller pour se faire entendre ?, se demande Maître Trespeuch. La seule chose qu’on puisse regretter, c’est que cette discussion ait lieu après que ces gens, dans une situation difficile, qui veulent se faire entendre, sont allés trop loin." "On ne peut pas nier une violence réciproque entre le gouvernement et les gens, plaide Maître Baby. C’est une réaction bien humaine de se dire qu’il y a un combat à mener, et quoi de mieux comme symbole d’un État oppresseur que le radar ? C’est un acte politique qui tient à la revendication, même si elle tombe sous le coup de la loi."
Tous s’accordent à dire que les prévenus ne sont pas des grands malfaiteurs et que la question d’une peine aussi lourde que celle requise par le parquet se pose, presque six ans après les faits. Qui plus est, certains pointent la responsabilité d’une autre femme, grande absente du procès alors qu’elle se dessine comme l’instigatrice de la réunion informelle : "Elle a fourni les plans sur comment brûler un radar, l’essence pour y mettre les feux, elle a recueilli les confidences les uns des autres sur qui était où…", énumère maître Fabbri, appuyé par Maître Quintanilha : "Il y avait une meneuse, et des suiveurs." Et l’avocate de conclure : "Ne vous inquiétez pas, vous ne les reverrez plus dans votre tribunal." C’est ce que semble aussi penser la cour, puisqu’elle infligera des peines allant de 35 à 70 heures, selon les antécédents de chacun, de travail d’intérêt général.
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